PEINTRES EXISTANTS, BIOGRAPHIES DE PEINTRES ...

Dans Biographies de peintres à l'écran, Patricia-Laure Thivat remarque que le peintre au cinéma renouvelle la figure héroïque de l'aventurier solitaire qui joue de la contradiction entre la liberté individuelle et les formes de l'organisation sociale. Les biographies sont ainsi concentrées sur les figures majeures de l'histoire de l'art, peintres célèbres des siècles passés (Rembrandt, Le Caravage, Michel-Ange, Goya), d'artistes novateurs, voire artistiquement révolutionnaires, du tournant des 19e et 20e siècles (Toulouse-Lautrec, Modigliani, Van Gogh, Munch), mais aussi de peintres contemporains (Hockney, Pollock, Kahlo, Bacon ou Basquiat), tous à même de représenter l'image du "génial démiurge" à l'apogée de son art, et/ou la figure du "peintre maudit", en proie à une souffrance physique ou existentielle.

Des peintres à l'existence tranquille comme Degas, Manet ou Cézanne ne semblent pas avoir suscité le même intérêt. Leurs biographies respectives ne paraissent pas correspondre aux nécessités cinématographiques de l'archétype. Celui-ci est un individualiste, parfois décrit comme un génie (Rembrandt), toujours obsédé par sa création, à la fois asocial et frondeur (Ohwon, Modigliani), amateur des choses de l'amour (Le Caravage, Van Gogh), mais toujours plus à l'aise dans le calme de l'atelier que face aux tumultes de la société (Michel-Ange, Klimt). Tout à la fois entier dans sa vocation et pétri de contradictions dans ses relations avec les autres, sa liberté créatrice est constamment mise en danger par le monde extérieur. Le peintre au cinéma est aussi et avant tout un personnage qui porte un regard singulier et aiguisé sur le monde mais que le monde ne peut contrôler.

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Une scène de Caravaggio de Derek Jarman. Troublant. Salma Hayek, criante de ressemblance, dans Frida de Julia Temor.

La biographie de peintre peut être qualifiée d’'épique (L'extase et l'agonie de Carol Reed) , de contemplative (Ivre de femmes et de peinture d'Im Kwon-Taek) ou de pseudo-documentaire (Edvard Munch de Peter Watkins, A Bigger Splash de Jack Hazan).

La biographie se fait parfois au mépris total des valeurs morales et esthétiques défendues par les peintres : ainsi La jeune fille à la perle de Vermeer est-il une apologie de la chasteté et de la fidélité alors que le film de Peter Webber (2003), fait de la jeune servante la maîtresse d'un peintre qui ne supporterait plus la vie de famille !

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Kirk Douglas campe un Vincent Van Gogh tourmenté. La ressemblance de l'acteur avec le grand peintre est époustouflante.


PEINTRES FICTIFS, FICTIONS DE PEINTRES ...

Charles Strickland dans The moon and sixpence (Albert Lewin, 1942) est une création fictionnelle. Cependant au prix de changements de patronymes et de détails, il se présente comme inspiré de Paul Gauguin. Il ne peut pourtant pas être considéré comme une biographie de celui-ci.

Pour La chute de la maison Usher, Epstein s'inspire de "motifs d'Edgar Poe" comme il le précise. Plus précisément de deux contes : celui qui donne son titre au film et Le portrait ovale. Celui-ci est exploité dans la première partie du film tandis que celui-là fournit la structure générale du scenario et celle de la seconde partie. Le portrait ovale est une métaphore de l'obsession vampirique par l'absorption progressive du modèle par la toile peinte : "Les couleurs qu'il étirait sur la toile étaient tirées des joues de celle qui était assise près de lui" écrit Poe à propos de Roderick et Madeline, frère et soeur, devenus mari et femme dans le film.

Dans Le portrait de Dorian Gray (Lewin, 1951) Basil Hallward peint le portrait du séduisant Dorian Gray. Il ne souhaite pas exposer le tableau car le portrait semble doué d'une vie propre qui aurait comme guidé sa main. Il l'offre ainsi à Dorian Gray qui s'aperçoit que seul le tableau garde trace de sa déchéance morale lui laissant un visage jeune et pur. Basil Hallward contraint Gray à lui monter le tableau qu'il a caché dans le grenier et meurt assassiné.

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L'admirable George Sanders dans le film d'Albert Lewin.

Les peintres sont parfois des personnages de fictions très efficaces, répondant aux clichés habituels des biographies de peintres réels : exaltés et incompris ou romantiques cherchant l'inspiration ou bien encore pratiquant leur métier avec conviction ainsi Martin Lobelius dans L'attente des femmes (Bergman). La profession de peintre est toutefois présentée sous un jour plus souriant chez Hitchcock ou Minnelli ainsi Sam Marlowe dans Mais qui a tué Harry ? ou Jerry Mulligan dans Un Américain à Paris.

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Jean Debcourt dans La Chute de la maison Usher (1928) et Noémie Merlant dans Portrait de la jeune fille en feu (2018) de Céline Sciamma.

Dans Barbe bleue (Edgar G. Ulmer, 1944), le serial killer est victime du syndrome inversé de Dorian Gray : le peintre tente de préserver l'idéal du portrait en tuant la femme qui l'a inspiré. Il ne peut se détacher de la conjonction fatale qui a lié ces deux actes quand il a découvert que celle qui lui a inspiré le gisant de Jeanne la pucelle n'était qu'une prostituée sans cœur. Gaston a donc renoncé à la peinture pour les mannequins miniatures de son théâtre de marionnettes. Une manière sans doute de dire que la sculpture tend moins vers l'idéal que la peinture. Quand poussé par Lamarte à faire le portrait de Francine, Gaston ne s'y résout qu'en tentant de se protéger avec un complexe dispositif d'images renvoyées par des miroirs dans des chicanes obstruées par des voiles de tissus.

Nous vous souhaitons un bon voyage à travers les vies des peintres qui ont inspirés de (très) bons ou de moins bons films ...


 Patricia-Laure Thivat (dir.) : Biographies de peintres à l'écran, : Presses Universitaires de Rennes (novembre 2011). Collection : Le Spectaculaire Cinéma. 322 pages.

 


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